

Coulisses & Anecdotes
Cet endroit, sans intérêt pour le jeu et sa pratique quotidienne, est un peu ses archives, sa mémoire. C'est ce que Pénombre pourrait raconter à ses petits-enfants au coin du feu. Comme c'est un jeu, il n'aura jamais l'occasion de raconter quoi que ce soit à sa descendance, nous allons donc le faire pour lui. Parce que c'est un peu notre mémoire aussi... Comme tous les souvenirs, les propos qui suivent peuvent être décousus, mal organisés, trop longs, trop personnels, ou teintés par l'émotion et la nostalgie. Nous les pensons néanmoins fidèles à la réalité.
Un nouveau Cil
En 2007, l'association Souffre-Jour est contactée par l'organisateur d'une nouvelle convention de jeux de rôle, les Chimériades. Pour sa première édition, Philippe Auribeau souhaite inviter des communautés actives du milieu rôliste, et des auteurs ayant marqué ce loisir. Mathieu Gaborit sera là, et les membres de l'association Souffre-Jour y voient un moyen d'enfin tous se rencontrer, eux qui travaillent à distance sur leur fanzine depuis bientôt cinq ans.
Le rendez-vous est pris et, bientôt, la fête bat son plein. Ils sont nombreux : Maud Chalmel, Fabien "Lionna" Dannepond, Fabrice "Alraune" De Boni, Haeres, Jérôme "Blanchécrin" Isnard, Lionel "Nonène" Jeannerat, Thomas "Fayn" Karim, Stéphane "Encelant" Magnan, Morock, Songe... (Si nous en oublions et que vous souhaitez être cités, contactez la vieille Blanchy qui, décidément, perd la mémoire).
Tout le monde est intimidé de se retrouver face à son auteur fétiche. Lequel, en retour, est aussi naturel et intéressant que... adorable (mais alors, vraiment.)
De cet événement et des discussions qu'il a engendrées naissent trois conclusions :
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Agone, le jeu de rôle de Multisim que nous aimons tant, a vu sa gamme officielle s'éteindre en 2003, et il ne renaîtra très probablement jamais.
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Les Royaumes crépusculaires ont su parler au coeur des gens et fédérer une communauté passionnée, et passionnante*.
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Mathieu Gaborit est toujours avide de jeu de rôle, un microcosme qui représente énormément à ses yeux.
Alors, certains d'entre nous s'essaient à un autre exercice, celui des Chroniques des Féals, un jeu de rôle tiré d'un autre univers de Mathieu Gaborit : Le M'Onde. Le jeu paraît dans la douleur aux éditions Sans-Détour en février 2012. Projet de cœur, il n'est pas exempt de défauts imputables à notre jeunesse et à un éditeur investi, mais pas toujours aligné avec nous. Le constat est amer : Les Chroniques des Féals ont leur propre identité, que nous assumons, mais qui ne comble pas notre manque de Royaumes crépusculaires.
Nous avons besoin de l'Harmonde.
Ainsi, le 16 mai 2012, Pierre Coppet écrit ceci à Jérôme Isnard :
OBJET : Parce que je sais que tu aimes rire...
"Les liturges ont toujours eu une prophétie, celle qui disait qu’un jour des hommes naitraient, gris et vils, pour faire tomber le soleil et plonger le monde dans la nuit éternelle où règnent les démons et les inhumains. Si leur royaume tomba dans la théocratie la plus décadente, ils gardèrent toujours à l'esprit cet ordre que leur avait donné Neuvène : "Protégez le Monde".
L’arrivée d’Agone de Rochronde, le baron aux cheveux gris et à la rapière noire, leur indiqua que le moment était venu. Mais les légions échouèrent. Agone, manipulé par les murmures de la vile rapière Pénombre et de sa mère Amertine, invoqua le Centresprit dans le Monde et permit aux légions des abysses de s’emparer de sa force vive.
Maintenant le crépuscule tombe sur le monde. Chaque nuit arrive plus vite et chaque jour plus tard.
Que fait-on quand on nait sans âme ? C’est la question à laquelle les personnages, nés après qu’Agone de Rochronde ait perdu le Centresprit, doivent répondre. Leurs yeux sont gris et tout ce qu’ils goûtent a un goût de cendres mais, en eux, résonne une musique, un poème, une fresque. Enfants du crépuscule, ils sont nés Accordés, capables d’ouvrir par leurs notes les portes des abysses pour y rencontrer les démons et les anges de la nuit. Ils touchent l’esprit des endormis et charment demoiselles ou fleurs d’un vers habile. À la lumière de la lune, ils cherchent les traces de Diurne, l’enfant perdu, en tentant d’éviter les pièges des lutins, minotaures et autres enfants de la nuit, avide de prendre ce monde qui fut jadis le leur.
Crépusculaires est un jeu d’ombre et de lumière basé sur l’univers de Mathieu Gaborit."
Dans notre paume, le Cil de Diurne frétille. Le jeu de rôle Agone est présumé mort, mais quid d'une réinterprétation des romans, d'une nouvelle adaptation ?
Tout cela va hiberner longtemps et il faudra que Samuel Metzener et Julien Arnaud s'en mêlent pour que le Cil s'implante finalement, très différent de son intention d'origine...
*Merci à toutes celles et à tous ceux qui, à l'époque, étaient parfois des inconnu(e)s pour nous, mais nous ont fait passer de si merveilleuses Chimériades harmondiennes : Jean-Laurent Del Socorro (désormais écrivain à succès) et sa compagne Florence, Nicolas Funaro (dont vous pouvez voir la trogne sur l'un des visuels de ce site), Nicolas Godret, Jérôme Lang, Samuel Metzener (futur auteur d'Écryme v2), Antoine Moret, Patrick Rivereau, Gaëlle Roth, Bruno Zimmermann (depuis devenu champion du monde de modération pour la chaîne Vltima Verba)...
Arrosé par l'Écryme
En parallèle des événements précédents, toujours en 2012, l'association Sombres Sentes est approchée par Samuel Metzener. "Sam" n'est pas un inconnu : il a laissé un souvenir impérissable à Jérôme Isnard, celui d'un joueur exceptionnel à une table de JDR non moins exceptionnelle remplie de suisses... exceptionnels. Sam y interprétait un magistral capitaine boucanier.
En ce beau jour de printemps, que veut Samuel à Sombres Sentes ? Des conseils administratifs. En effet, lui et son collègue Alexandre Clavel sont en passe de signer leur premier contrat professionnel, en vue de la réédition d'Écryme. Le cadre de l'association joue pleinement son rôle.
L'année suivante (2013), alors que le projet Écryme se concrétise, Sam et Alex sollicitent de nouveau Sombres Sentes, cette fois afin de recruter Jérôme Isnard et Pierre Coppet. Jérôme décline faute de temps, mais l'association joue les entremetteuses entre Écryme et Pierre, qui accepte volontiers de se joindre à l'équipe formée par Sam et Alex.
Le temps passe...
Fin 2018 : Nouveau contact entre Sombres Sentes et l'équipe Écryme. Cette dernière vient de rendre ses textes définitifs et, désoeuvrée, se prend elle aussi à rêver à "un nouveau jeu de rôle dans les Royaumes crépusculaires". Non non, pas Agone 2... L'association est enthousiaste. Le Cil frétille de nouveau...
Hélas, comme pour d'autres projets en lien avec l'Harmonde de Mathieu Gaborit, les choses ne se passent pas comme prévu.
En octobre 2019, pour des raisons confidentielles (et là, pour le coup, nous ne savons vraiment pas), le projet "nouveau jeu de rôle dans les Royaumes crépusculaires" se complexifie, devenant un double-jeu :
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d'un côté, un gros jeu à univers nommé "Crépusculaires" et sous-titré "Agone 2", reprenant tous les éléments du JDR d'origine (Masque, Muses, Inspiration au centre des enjeux...), contrairement à l'intention initiale de "nouveau jeu qui n'est pas Agone 2"
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de l'autre, un jeu d'initiation "plus light" nommé "Souffre-Jour" (sans lien avec l'association éponyme), et ne reprenant que la base des romans liés à Agone de Rochronde, sans en rajouter en termes d'univers.
Alexandre Clavel est aux commandes, et tente de porter tout cela avec courage. Un nouveau système est créé, mis en compétition avec une version "DK system", des tables de playtests sont montées et produisent d'intéressants retours. Samuel et Pierre, quant à eux, "avancent sur l'univers".
Mais, dans l'ombre, des tractations sont toujours à l'oeuvre entre nouveaux éditeurs et anciens ayants-droit. Le couperet tombe le 8 janvier 2021 : Alexandre nous annonce que les projets initiés en 2019 sont à l'arrêt, et probablement enterrés, pour des raisons "qui relèvent du secret de Polichinelle", mais sont contractuellement confidentielles.
Cette fois, est-ce la fin de l'aventure ? Vous savez bien que non...
Mais alors, comment ?
Il suffit parfois d'un battement de Cil...
La Romance du Démiurge
Note liminaire : ici, il est question de « romance ». Cela suppose :
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des révélations personnelles, que le narrateur évoque donc à la première personne, et non au nom de l’équipe créative dans son ensemble,
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une appréciation plus subjective, plus intime, et donc plus « romancée ».
N’y voyez aucune malice.
Jérôme Isnard
Retour dans le temps.
2007, les Chimériades, première édition.
Monsieur Gaborit (à l’époque, c’est comme ça que je l’appelais) entre dans la salle dédiée à sa communauté. Le Souffre-Jour l’attend, au garde-à-vous. Lui, en fait, erre déjà depuis un moment dans les couloirs de la convention, tellement incognito que Camille Guirou, alors éditrice aux éditions Caravelle, l’a interpelé assez familièrement à la machine à café sans savoir de qui il s’agissait.
Il entre donc, et mon coeur défaille. C’est la première fois que je le rencontre pour de vrai. Pour être honnête, séduit par son imaginaire, j’avais choisi de ne jamais chercher son visage sur internet ni dans la presse spécialisée. J’ai donc du mal à réaliser que ce jeune homme au visage glabre, si élégant avec sa tenue aux accents steampunk (et ses bretelles), à la voix si bienveillante et aux manières si simples, c’est lui. Il est un peu gringalet, aussi. La journée se passe comme dans un rêve pour le « trésorier de son fan-club » que je suis, entre confidences et bons mots (et non, sa punchline à propos du McDo reste entre nous).
Moi, je me fais un peu remarquer. J’ai écrit un scénario pour l’occasion, l’ai maquetté et illustré avec les ressources du Souffre-Jour 2, et l’ai fait imprimer par un professionnel à une vingtaine d’exemplaires pour le distribuer pendant la convention. Les gens sont scotchés. Mon idole apprécie.
La nuit approche. Avec la pénombre, les langues se délient.
- L’avenir d’Agone JDR, alors ?
- Oh, il vaut mieux laisser tomber, c’est un nid à emmerdes.
- C’est dommage, quand même.
- Et puis le JDR, c’est le meilleur médium de l’univers.
- Faudrait en refaire un, un de ces quatre.
- Pourquoi pas les Féals ?
- Mais qui ?
L’idée est lancée, et nous sommes trois à nous en emparer. Mathieu (oui, on se connaît depuis une demi-journée, donc c’est Mathieu, maintenant) est enthousiaste qu’une équipe puisse ramener son imaginaire sur la scène du JdR. Rendez-vous est pris.
Et puis il y a aussi cette idée de murder-party. Les Chimériades aimeraient avoir des murders plus variées pour leur seconde édition, et surtout ne pas s’en occuper eux-mêmes.
- Du coup, Mathieu et Jérôme, ça vous dirait ?
Tu m’étonnes, Philippe…
Entre 2007 et 2009, je supervise donc la création des Chroniques des Féals et celle d’une murder-party librement inspirée d’Abyme et des Royaumes crépusculaires : La Vingt-Cinquième Heure.
Pour cela, j’échange avec Mathieu, par mail et par Skype, plusieurs fois par semaine pendant deux ans… Je monte même chez lui, à Paris, pour une ou deux réunions en présentiel. Je rencontre sa famille…
On se découvre des goûts communs, un imaginaire très complémentaire… On devient collègues.
Et puis on se retrouve à Grabuge, aussi, pour une convention exceptionnelle avec colloque des Agoniens dans une tour de la Cité de Carcassonne… Ensemble, nous nous créons des souvenirs.
Vient 2009. Une incompréhension, ou une brouille (j’utilise personnellement un autre mot, mais je ne le dirai pas ici) entre Bragelonne et l’éditeur putatif des Chroniques des Féals conduit à une première crise dans laquelle je découvre un autre Mathieu, un Mathieu combatif.
- J'en ai plein le cul des mecs qui décident pour ceux qui créent.
En tant que collègue, il est créatif et adorable. Quand il s’énerve, c’est encore mieux. Je l’aime.
Il nous faut changer d’éditeur, mais ce n’est pas grave. Nous suivrons.
Fin 2009, « notre » murder-party se passe au mieux. Nous avons un vrai minotaure (merci Antoine Moret) et Mathieu brille dans son costume urguemand fait par les Vertugadins. Moi, je suis sous le masque d’un démon abymois. J’étouffe, mais c’est de joie.
Les Chroniques des Féals nous rapprochent encore de 2009 à 2011, entre départ de certains membres de l’équipe, erreurs de jeunesse, difficultés avec Sans-Détour, mise sous pression de Nicolas Fructus à qui l’on demande un volume de travail et des délais intenables...
L’aventure se termine en demi-teinte. Le résultat n’est pas au niveau de ce qu’on visait. La couverture divise. La préface de Mathieu, mal comprise, est conspuée sur les forums. Malgré tout, le public nous remercie, et le FIJ partagé avec Mathieu et Nicolas reste un immense moment de plaisir (dormir dans la même chambre, enfin !)
Pour conclure cette aventure, Mathieu m’offre une chose exceptionnelle, mais que je prends comme un cadeau d’adieu. J’ouvre le petit carton qu’il me tend. À l’intérieur, entre quelques papiers froissés, je découvre une chevelure blanche et des épaules enserrées par un pourpoint. Une statuette d’Agone de Rochronde... Une pièce unique sculptée et peinte par Sophie Guilbert à l’intention de Mathieu pour fêter la sortie d’Agone JDR.
- Je sais qu’avec toi, elle sera entre de bonnes mains.
Il sourit avec une pointe de tristesse. Je suis triste aussi, et Mathieu s’éloigne. Il me manquera.
Ensuite, je me perds un peu entre retour à la vie réelle, mauvaises surprises concernant nos relations éditoriales avec Sans-Détour, et contributions au JdR indépendant. Cette période troublée me procure néanmoins l’une de mes plus grandes fiertés ludiques : la traduction et la refonte graphique de Bliss Stage pour la Boite à Heuhh, avec l’aide de Ludovic Papaïs, Anthony « Lehuss » Lacordaire et Olivier « El Théo » Trocklé.
Mathieu a disparu mais, face à moi, sur mon bureau, Agone de Rochronde me regarde.
Il faudra trois personnages pour raviver la Flamme.
Le premier est Robert E. Howard. Je joue en ligne dans l’un de ses univers (Age of Conan, Hyborian adventures, par Funcom).
Alors que mon avatar traîne dans les rues de Tortage (…), je repère un autre personnage, nommé Scende. Un archer noir. Ce ne peut être un hasard, alors j’entame la conversation.
- Bonjour « Scende ». Quel joli prénom !
- Merci.
- Savez-vous d’où il vient ?
- Bien sûr.
- Vous aimez les Chroniques des Féals ?
- Un peu.
- Cool ! Moi aussi, j’aime beaucoup, comme les autres univers de Mathieu Gaborit.
- Moi aussi.
- Sérieux ? Du coup, si ça se trouve, on se connaît. Vous fréquentez le forum du souffre-jour ?
- Assez peu, mais oui.
- C’est quoi votre pseudo là-bas ?
- Bon… Ne l’ébruitez pas trop, mais c’est moi, Mathieu Gaborit.
- Mathieu ? Sérieux ? C’est Jérôme, Blanchécrin !
- Oh putain, trop fort, comment ça va ?
Une nouvelle pierre à notre amitié.
On joue un peu ensemble mais, surtout, on reprend contact dans un cadre différent du JdR, pour la première fois. Et on aime. Mathieu est là parce qu’il vit des moments « pas simples » et veut se changer les idées. On en parle un peu, mais je suis loin géographiquement, alors ça reste délicat de l’aider comme il faut.
Le deuxième personnage est Jérôme Jost (oui oui, l’actuel secrétaire de Sombres Sentes). JJ est un ami IRL. On s’est connus via les murder-parties, puis le JdR. Et voilà qu’un jour, il m’appelle, comme il le fait parfois.
- Ah, au fait, j’ai mangé avec Mélanie, et après on est allés jouer chez son amoureux : t’as le bonjour de Mathieu !
- Mathieu ?
- Oui, Mathieu, l’auteur, on a fait une partie de jeux de plateau, c’était sympa, et on a un peu parlé de toi.
- Hein ? Mathieu Gaborit ? Tu dis n’importe quoi, Mathieu n’est pas avec Mélanie, il est marié avec Laure.
- Je te jure que c’est vrai, t’as qu’à l’appeler et tu verras !
Je m’exécute. Il a raison, le con.
Après cela, un nouveau jeu débute, fait de rencontres à Aix quand Mathieu vient voir Mélanie depuis Paris, et de boutades entre Mélanie et moi. Je l’accuse de m’avoir volé ma romance secrète, et fais comme si je m’en voulais d’avoir raté la bonne occasion. Mélanie triomphe avec une certaine théâtralité. Elle triomphe toujours, de toute façon. Mais j’ai, maintenant, un couple d’amis.
Et le troisième personnage, alors ? Laissez-moi vous présenter Jola.
Jola est une petite cocker qui a choisi de partager la vie de Mélanie. Parfois, elle fait des frayeurs à sa maîtresse, et comme je suis vétérinaire, j’essaie de rassurer tout le monde… Le reste est de l’ordre du secret professionnel, mais cela finit de nous rapprocher, je crois. Beaucoup. Même si nous vivons loin, nous savons que nous sommes là les un pour les autres. Pour gérer une fièvre bizarre un dimanche, par exemple. Pour tenir le bar et griller des saucisses, aussi.
Alors quand Julien Arnaud, au détour du bouclage du Souffre-Jour X, me parle de son envie de relancer un jeu dans les Royaumes crépusculaires, je me retrouve au centre d’une toile que je n’avais pas vue se tisser. Le Souffre-Jour (2003), Mathieu Gaborit (2007), Pierre Coppet (2012), Samuel Metzener (2018), Alexandre Clavel (2021), Julien Arnaud (2022)… Agone de Rochronde, mais pas cet Agone-là… Une statuette qui me regarde depuis dix ans, posée sur mon bureau…
- Il faudrait que quelqu’un essaie d’en parler à Mathieu...
OK.
Vendredi 6 mai 2022, 14h51/
De blanchecrin@…
À mathieugaborit@…
Objet : Proposition malhonnête
Salut Mathieu.
Comment allez-vous, tous les deux ? Plus d'alertes pour Jola ? [...]
Sam, Jaël et moi nous sommes retrouvés autour d'une envie... d'Harmonde.
Je t'expose notre plan, sur une idée originale du Mérou… [...]
Bises à Mel et toi,
Jérôme
Samedi 7 mai 2022, 15h05.
De mathieugaborit@…
À blanchecrin@…
Objet : Re - Proposition malhonnête
Salut Camarade,
Alors tu me connais, je suis toujours partant sur des idées saugrenues :)
Si vous êtes chauds, il faut y aller !
Va falloir sérieusement corseter le projet […] mais je suppose que c'est jouable.
En tout cas, de mon côté et de ce que tu m'as fait lire, y'a plus qu'à. […]
Gris bisous,
Mat.
Le Cil s’anime. Un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Tel un serpent, il entame une lente reptation à la surface de ma paume, se love dans une ligne de ma main puis plonge sous la peau. Le Cil devient racine et s’engouffre dans une veine de mon poignet. Un sentiment d’ivresse m’envahit.
Le Cil prend racine
Le mois de mai 2022 est décisif. Après tant d'années d'attente, de frustration et de désillusions, les choses ne peuvent pas se passer si facilement. Et pourtant...
C'est d'abord Mathieu Gaborit qui tâte le terrain auprès des éditions Mnémos. Ces dernières semblent d'emblée "tout à fait partantes".
C'est ensuite un mail groupé, le 25, et un déferlement d'échanges enthousiastes.
La conclusion de cette étape ?
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Tout le monde en a envie, c'est certain, de ce revival ludique.
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Maintenant, il faut montrer patte blanche. Prendre racine.
Car les choses ne sont pas si simples, avec l'affaire Agone JDR à ne pas reproduire.
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Les droits des anciens textes, personne ne sait vraiment où ils sont. Ou on sait, mais c'est compliqué.
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Les idées ne sont pas protégées, seuls les textes le sont. Mais pour certains noms, le doute est permis. C'est compliqué, encore une fois. Et personne n'est là pour piller ou contourner la propriété intellectuelle d'autrui.
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Il y a certaines choses qu'on aurait bien changées. Parce que nous aussi, on a changé, que Mathieu a évolué dans sa vision de l'Harmonde et ses envies ludiques, que de nouveaux romans sont sortis, que l'époque n'est plus la même, etc.
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On a aimé Agone JDR, on veut lui rendre hommage et ne pas le trahir. Quel sens cela aurait de tout balayer, de rendre l'Harmonde de Pénombre totalement incompatible avec l'Harmonde d'Agone JDR ? Le mail de Pierre Coppet, du 16 mai 2012, malgré ses innombrables qualités, est une piste trop radicale.
L'étape suivante, une fois tout cela identifié, est de créer une note d'intention. L'illumination vient assez rapidement : l'Harmonde d'Agone JDR, celui des inspirés et de la Flamme, existe. Mais on ne peut pas vraiment en parler, utiliser cela de manière centrale. Alors, il suffit de considérer que tout cela est un point de vue, mais pas la vérité. Les porteurs de Flamme n'ont pas plus raison que les religieux d'un bord ou de l'autre, dans notre propre monde. Un fond de vérité, admettons, mais pas LA vérité.
Pour que Pénombre soit crédible, c'est ce qu'il faut : considérer l'Harmonde comme plus complexe que ce qui en a déjà été dit, et parler de ce même Harmonde selon un autre point de vue. L'étudier sans chercher à le réduire.
Alors OK, mais quel point de vue ? On veut un jeu assez facile d'accès, avec une proposition ludique claire. L'univers est très dense, n'y rajoutons pas des personnages ne sachant ni où aller, ni que faire. Et le plus simple, pour démarrer, c'est souvent le jeu à missions...
- Et on n'aurait pas des agents secrets, dans cet univers ? Du genre qu'on suit tout le long de la première trilogie ?
Jouer des éminences grises... Une évidence ! Des agents intrigants, occultes, héroïques, au fait des secrets de l'Harmonde et très peu exploités dans les précédentes adaptations (au-delà de la dénomination cosmétique du meneur de jeu).
Nous voilà partis. En dérivant depuis cette idée, toute une note d'intention se construit, centrée sur la première trilogie :
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Les personnages-joueurs ? Des éminences grises.
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Les donneurs d'ordre ? Les psycholunes du collège du Souffre-jour.
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Le cadre de jeu par défaut ? Le collège lui-même. Avec, au-delà, l'iconique Lorgol. Et au-delà, un Urguemand facile à appréhender pour l'amateur de medfan, mais en pleine mutation.
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Les missions ? Oeuvrer pour ce que le collège du Souffre-jour voit comme le bien commun.
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Les ennemis ? Tous ceux qui s'opposent à leur cause.
Mais encore ? C'est quoi, cette cause ?
C'est de la post-face des Royaumes Crépusculaires de 2013 que vient l'idée. Agone veut y libérer les danseurs. Promouvoir un Harmonde plus ouvert, débarrassé des carcans et de l'oppression. Se fondre dans un grand tout. Offrir un peuple à la Nature et à la Nuit (avec des majuscules, qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ?)
On a interprété tout cela. On l'a mis en forme. On en a fait une plaquette courte reprenant toutes nos intentions. On l'a fait illustrer par Maud Chalmel, et mettre en page par Julien de Jaeger.
Le nom du projet ? Celui de la véritable héroïne de tout cela. Celle qui est née dans le Souffre-jour, et qui n'a depuis plus quitté la main de son principal. Celle qui était déjà là sur la toute première couverture des romans, et des jeux... En analysant les textes, on a même entendu un "Finalement, Agone ne serait rien sans Pénombre !"
Pénombre...
Le 29 septembre 2022, un mail part en direction des éditions Mnémos et de Mathieu Gaborit. Toute l'équipe tremble un peu.
OBJET : Projet JDR Royaumes Crépusculaires
Comme convenu, veuillez trouver ci-joint deux documents de présentation pour notre projet : "Pénombre - reboot de l'exploitation ludique de l'univers des Crépusculaires en jeu de rôle".
[...]
Voici donc notre projet, et notre point de vue sur la manière de mener celui-ci. Nous vous laissons prendre connaissance de tout cela, et revenir vers nous pour toute information complémentaire.
Dans l'espoir d'un accueil favorable, et d'une réponse positive,
Ludiquement,
Jérôme Isnard, pour l'équipe créative de Pénombre
Le nom est lâché. Le 30 septembre 2022, les retours faisaient plaisir à lire, mais rien n'était encore signé. Pour aller de l'avant, désormais, il nous fallait trouver une maison d'édition. Pas si facile...
Où le planter ?
À cette époque, Jérôme Isnard collabore avec les éditions du Troisième Œil (LETO), au sein desquelles il peut publier avec une grande liberté. Après discussion avec Mnémos, c'est donc assez naturellement que le contrat de licence est signé avec LETO. Le temps de tout négocier, nous sommes déjà en décembre 2022 lorsque le document est validé.
Le travail commence. Pénombre va exister !
Mais il ne faut jamais crier victoire trop tôt. LETO lance quelques rumeurs en début d'année 2023 sur ses réseaux sociaux, commençant à soulever des interrogations.
- LETO parle d'un jeu Multisim. Jérôme Isnard est collaborateur régulier, et par ailleurs trésorier du Souffre-Jour...
- Si c'est pour les Crépusculaires, je veux dessiner pour vous !
- Dites-moi pas qu'c'est pas Agone ?
Difficile de garder le secret. L'équipe a envie de crier sa joie sur tous les toits, mais c'est trop tôt. Qui sait ce qui peut arriver ?
Et en effet...
Pour des raisons pudiquement classées dans la catégorie des "désaccords", il devient peu à peu indéniable que l'association LETO-Pénombre ne fonctionnera pas de la manière dont chacun le souhaite. Le divorce est prononcé dans l'été, mettant le contrat de licence en péril. Il a fallu vingt ans pour en arriver là, et tout va s'arrêter net ? Ce document a, pour certains d'entre nous, une valeur inestimable. Mais vers qui se tourner pour assurer la continuité du projet ?
Des candidats sérieux à la reprise de la licence, ce n'est pas ce qui manque, mais l'équipe est échaudée. Repartir de zéro ? Se voir imposer une nouvelle direction, comme ce fut le cas, en d'autres temps pour les Chroniques des Féals ? Se retrouver à négocier des budgets, des coupes franches, entendre parler de rentabilité ?
Que l'on soit bien clairs : l'équipe de Pénombre n'a absolument RIEN contre ceux qui cherchent à rentabiliser leurs jeux et à gagner de l'argent avec. C'est même la condition indispensable à la survie et à la prospérité du marché du jeu de rôle. Allons même plus loin : si Pénombre n'est pas déficitaire, en bout de course, toute l'équipe en sera soulagée.
Mais ce n'est pas l'ojectif numéro 1. Pour l'équipe, à ce moment-là et encore aujourd'hui, la notion d'équilibre financier et la rentabilité sont importantes, mais secondaires par rapport aux choix qualitatifs et à la passion.
- Ce jeu, ça fait vingt ans que j'en rêve, c'est pas pour le voir imprimé en Chine sur du papier toilette, ni illustré par mon petit frère !
Mais alors, qui pour assumer cette folie ? Qui pour se mouiller à ce point ? Qui pour être aussi engagé que nous ?
... Nous. L'équipe elle-même.
Ce n'est pas facile de convaincre Mnémos que la meilleure option, dans le contexte, est de confier la licence d'exploitation des Royaumes crépusculaires à une association. Qui plus est, une association qui n'a jamais rien publié par elle-même !
Le second semestre 2023 est fait de montagnes russes. L'équipe n'arrive pas à travailler, tiraillée par le stress et la peur de tout perdre. À quoi bon continuer de rêver. Finalement, nous n'avons pas réussi plus que les autres...
Les mois passent et le projet s'endort... Too long, de Daft Punk, tourne en boucle dans nos playlists...
Et puis la nouvelle tombe, alors qu'on n'y croyait plus : le nouveau contrat est signé.
Nous voilà éditeurs ! Enfin... Nous voilà en capacité d'éditer. À nous de jouer !
Il faudra que je meure
Désormais, tout est réuni. Une équipe, un contrat de licence, une maison d'éditions parfaitement en accord avec notre vision...
Mais passer après les talents qui ont précédemment adapté les romans de Mathieu Gaborit s'avère plus délicat que prévu. Parce que nous sommes des fans, nous connaissons aussi bien les romans que les autres jeux qui en sont dérivés, et tout se mélange un peu. Les intentions, c'est bien, mais ça ne fait pas un jeu.
Alors, on reprend tout. On tue le père pour mieux assumer son héritage. Qu'est-ce qui vient des romans ? Qu'est-ce qui vient d'ailleurs ?
- Y'a pas les méduses !
- Si, dans Songe Ophidien, la nouvelle à part dans l'anthologie Légendaire.
- Ah, on peut y toucher, à elle ?
- Ben c'est de Mathieu tout seul, on en est sûrs.
- OK. Du coup, pour le Masque ?
- Personne ne se rappelle qui l'a créé en 1999, donc dans le doute, on l'élude.
- Sérieux ? Mais les muses, alors ?
- Pareil, les quatre muses de l'inspiration, on oublie.
- Oui mais les muses de manière générale, on en parle ?
- Ah ben oui, les romans en parlent sans trop dire ce que c'est, donc on les réinvente.
- Mais comment ça ?
- Ben on considère que les muses, c'est un élément de l'Harmonde, que les inspirés s'en font tout un fromage, mais que selon le Souffre-jour, c'est pas tout à fait le même discours.
- Attends, c'est des muses ou c'est pas des muses ?
- Ben je sais pas, Zeus, c'est le roi des dieux, ou pas ?
- Ben ça dépend pour qui.
- Voilà.
Plus l'équipe avance, plus ce nouvel Harmonde s'affine, avec son lot de crêve-coeurs mais aussi d'éclairs de génie. Avec toujours ce même objectif : révéler un Harmonde à la fois fidèle et surprenant. Ceux qui veulent rétropédaler vers des idées qu'ils ont eues il y a vingt ans doivent pouvoir le faire, les autres doivent pouvoir se laisser porter par ce jeu sans avoir besoin de connaître ses prédécesseurs.
- Alors, t'es gentil, mais comment on va expliquer qu'il n'y a même plus de morganes dans notre jeu !
- Si, si tu les cherches bien, tu les trouveras, mais pas exactement pareilles. Selon le Souffre-jour, les morganes ne sont que des sirènes qui se la racontent un peu trop. Par contre, tu veux un scoop ? Agone de Rochronde n'est plus du tout premier baron.
- Quoi ?
Dans l'édition qui a servi de base aux précédentes adaptations, la fin était différente. Agone, premier baron dans la V2, ne l'est plus dans la V3. Ce n'est plus le même Agone. Il serait par ailleurs absurde d'adapter une version obsolète des romans, en indiquant aux nouveaux qu'ils ne peuvent pas acheter les ouvrages sur lesquels on s'appuie...
- C'te galère...
- Ou alors, on y voit une opportunité.
- De décevoir les anciens ?
- Euh, non. De trouver une raison que tout se raccorde.
- Comment tu veux raccorder tout ça ? C'est incohérent, c'est tout, on fait un choix, on l'explique, on l'assume, et tant pis.
- On n'a pas dit que l'Harmonde était complexe ?
- Si, mais passé l'effet d'annonce, ça n'amène rien. On ne peut pas se déclarer complexe, comme ça.
- Mathieu lui-même a fait évoluer son Harmonde. L'a réécrit. L'a raturé.
- Et ?
- Dans notre Harmonde, l'art et la magie se confondent. Réécrire, c'est pratiquer une forme de magie, en quelque sorte.
- Et ?
- Et peut-être que Mathieu a un alter égo sur l'Harmonde qui, lui aussi, pratique cette magie. Peut-être que les trois versions des romans sont l'Harmonde, et ont réellement existé, simultanément ou successivement. Peut-être qu'un éternel (oui, le mot est dans les romans) altère la réalité et que, dans différents fils du temps, par la magie de la geste ou autre chose, Agone est à la fois un premier baron, un principal, et un chef d'orchestre. Peut-être qu'il faut tuer Agone pour le sublimer. Même Mathieu le fait dire à Agone lui-même :
Il faudra que je meure et
cette perspective
ne m’effraie pas.
Je vais couper mes racines,
je vais les offrir à la terre
pour l’ensemencer
- Je sais pas si je dois flipper ou m'extasier devant l'ampleur du truc...
Plus nous avançons, plus nous comprenons que, finalement, la réponse à chacun de nos problèmes se trouve chez Mathieu Gaborit. Logique, finalement, et réjouissant : notre plus beau cadeau sera de respecter la vision du démiurge Gaborit. Tout est là. Dans ses romans, les nouveaux, les anciens, ceux qui n'ont rien à voir - comme l'Âme des Rois Nains qu'il affectionne tant. Dans son esprit, ses souvenirs de bâtisseur d'univers et de joueur de jeux de rôle. Dans sa chambre d'enfant, aussi, chez son père.
L'Harmonde en 1987
Ne pas plagier nos prédécesseurs tout en leur rendant les honneurs dûs à leur travail a longtemps été une obsession pour l'équipe de Pénombre. Un exemple ? La carte de l'Harmonde. Tous les joueurs de jeux de rôle habitués à cet univers connaissent celles de Cyrille Daujean et Didier Graffet.
Mais elles ne sont pas exactement celles des romans. Pire, l'intégrale de 2013 propose une carte de Goulven Quentel qui n'est ni celle des jeux de rôle, ni celle de la première édition des romans... Alors certes, les différences sont parfois subtiles, mais lorsqu'on fait appel à un cartographe pour un visuel inédit, il n'y a aucune place pour l'approximation.
Et puis, la carte des premiers romans nous a mis un doute : les Cornes y sont dessinées très bizarrement...
- Salut Mathieu, ça va ?
- Impec. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
- Hum, tu te souviens de la carte de l'Harmonde du premier roman ?
- T'es gentil, mec, c'était y'a trente ans.
- Oui, mais elle est bizarre. T'avais prévu quoi, au niveau des Cornes ?
- Pfff. Je sais plus, moi. Écoute, j'ai peut-être encore des trucs chez mon père, je vais voir et je t'envoie ça, OK ?
Et, deux jours plus tard, le choc : quelle est cette carte ?
- 1987, mon gars. Ça c'est mon Harmonde !
- OK, mais tout le territoire à gauche ?
- On l'a jamais trop visité, on s'est concentrés sur le tiers oriental qui a donné le territoire que tout le monde connait. Vous en faites ce que vous voulez.
- Mais !
- C'est sorti de mon esprit comme ça, maintenant c'est à vous.
Ce continent, au centre et à gauche, n'existait jusque-là que dans la tête et à la table de jeu du jeune Mathieu G., lycéen... Il fallait absolument en faire quelque chose !
- Ben on n'a qu'à dire que c'est le Centresprit !
- Quoi ?
- C'est un continent qui va et vient. Il est onirique. Il ne fait pas vraiment partie de l'Harmonde, mais il y est raccordé, comme les Abysses. En l'occurrence, là, par les Cornes. Et si la mer à côté s'appelle "Échancrée", c'est parce que c'est là que le Centresprit a été arraché de la réalité, provoquant une échancrure.
- Mais les Abysses, c'est pas l'Harmonde ?
- Non, si c'était l'Harmonde, les êtres des Abysses ne chercheraient pas à le coloniser. Ce sont deux plans différents, mais proches. Le miroir l'un de l'autre. Le Centresprit, c'en est un autre. Et il n'est plus là. Un continent qui disparaît, ça fait pas mal de belles histoires à raconter, non ? Pis moi, j'ai toujours adoré Guildes.
Là, l'équipe se retrouve emplie d'un sérieux doute, et d'un vide grandissant. Tout semble vaciller. Plus aucune certitude. Quel est vraiment l'Harmonde, à quoi se raccrocher ?
- Bopn, les danseurs, c'est comme des schtroumpfs magiques, on est bons ?
- Ouep.
- Les sirènes, tu les vois comme dans La petite sirène, avec des queues de poisson.
- Ouep.
- Les fées noires, c'est des petites vieilles minuscules avec des ailes de chauve-souris dans le dos.
- Ah non !
- Quoi ?
Et là, le coup de grâce.
Mathieu Gaborit nous explique qu'il y a eu une mauvaise interprétation dans le jeu de rôle Agone. Que, dans sa tête, les fées noires sont de vieilles femmes de taille normale, un peu tassées, des "mamies de chez Ghibli". Le roman est truffé d'indices en ce sens :
-
Dès la v1 du roman, Amertine mesure 50 à 60 centimètres... parce qu'elle est rabougrie et assise sur ses jambes atrophiées dans une chaise de souffrance ! (Mesurez-vous dans cette position, vous verrez - nous, on l'a fait),
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Les fées noires du Cloaque "toisent" Lerschwin... On ne toise pas un farfadet de 3 pieds de haut quand on en fait soi-même 2 !
Ah, et les ailes... Amertine a "deux petites ailes fripées comme des mues de serpent, que l’on devinait tout juste dans son dos." Et sur la première couverture d'Agone (le tome 3 de la trilogie), on devine clairement des sortes d'ailes de libellule !
Et caetera. Et caetera. L'Harmonde est bien plus complexe qu'il n'y paraît, disait-on. Bien plus libre, aussi !
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Des anecdotes comme ça, on en a plein. Certaines mériteraient des pages entières, d'autres une bière ou deux pour délier nos langues. Il y aurait trop à raconter, et cela n'intéresserait probablement que trop peu de puristes.
La chose à retenir : de 1987 à 2025, l'Harmonde est resté vecteur d'aventures, de passion, de liberté et d'émerveillement.
Nous vous laissons en compagnie de cette carte originale dessinée par Mathieu Gaborit aux premiers temps des Royaumes crépusculaires, et vous invitons à venir découvrir dans nos livres ce qu'elle est devenue sous les doigts de fée de Nicolas Fructus !
Désormais, Pénombre vous attend.


